LA DEPOSITION DE VALERE VALET / fragment par Dominique Leloir

Publié le par L´homme à la culotte rouge / Polar historique

LA DEPOSITION DE VALERE VALET

par Dominique Leloir – (25.10.2011)


valerevaletLenain.jpgJe n'avais pas bien cerné de rôle que voulait me faire jouer Maître Evariste Liturge quand il me recommanda comme valet à Maître Germaniostro. Je pense n'avoir pas encore véritablement compris. Il tenait à ce que je lui racontasse les moindres faits dont j avais été témoin au cours de chaque jour. Dans le fond, il m'avait confié un emploi d'espion... à la réflexion!

L'époque était rude. C'était la guerre entre les peuples et entre les idées aussi. C'est pour cela que régnait l'espionnite entre autres maladies.

La Maison de Maître Germaniostro était respectée et crainte. La réputation du Maître, docteur en théologie était plus douteuse, du moins sous le manteau. Personne n'aurait aventuré une parole équivoque à haute voix. Dans certains milieux cependant, on laissait entendre que le docteur se comportait parfois comme un barbier. Il n'aurait pas hésité, a user du scalpel non seulement pour saigner les fiévreux, mais aussi pour fouiller les cadavres.

Pour moi, je remplissais les seaux, vidais les pots, lavais, rinçais sans poser de questions, discret, parfait domestique.

Si les notables étaient nombreux à fréquenter «La Maison», à y boire, manger, jacasser, fiers d'y être vu ; le maître recevait peu en particulier. Il faisait des apparitions flattait chacun et s'en retournait à son laboratoire. Là, ne pénétraient que peu de personnes .Si j’étais en ce lieu, à vaquer à mes travaux ordinaires, le Maître m’envoyait faire une course et fermait sa porte. Ce qui chagrinait Maître Liturge, car je n’avais rien à lui dire alors.

Parmi les rares invités du labo était un homme étrange, parlant peu, ne saluant guère. Grand, maigre et have, et on devinait qu'il était chauve sous son capuchon. Il avait beaucoup voyagé à ce que m'ont révélé mes oreilles indiscrètes, et Germaniostro l’appelait, par humour sans doute, Sire Zénon de Yourte Noire, en relation avec un séjour qu'il avait fait en Mongolie d’où il avait ramené quelques secrets.

Autre être étrange, ce Jacques Calot, sinistre dessinateur qui représentait des morts pendus, lui aussi avait droit aux honneurs privés du cabinet. Je me souviens d'avoir vu un dessin effrayant et si prés de ce que la vie était alors en ce temps de misère ; Un squelette affublé de défroques militaires marchant d'un pas conquérant et portant une bannière victorieuse.

On peut comprendre que des gens instruits comme ceux là se réunissent, mais le forgeron hirsute était lui aussi accueilli avec cérémonie par le Maître.

Parfois, malgré que la porte fut close me parvenaient des bruits. J’aurais pu dire de la musique, mais c'était si grinçant, si monotone qu'on aurait plutôt pensé à une scie se fatigant à un bout de bois dur. A cet horrible bruit se mêlaient des sortes de paroles inintelligibles, comme on en entend quand on va chez les moines. A mes récits, Maître Liturge serrait les dents, pressait son bréviaire et laissait échapper des mots latins sonnant comme des jurons.


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