Pièces à convinction / Les pérégrinations de l´homme à la culotte rouge / Le vielleur au chien de Georges de La Tour – Du Mont-de-piété de Nancy à celui de Bergues Saint-Winoc ?

Publié le par L´homme à la culotte rouge / Polar historique

 

 

chausseculrougeLa présence de ce tableau dans les collections du musée du mont-de-piété de Bergues reste en partie inexpliquée. Le tableau pourrait provenir de la succession de Charles Mus, originaire des Pays-Bas espagnols, créateur et administrateur du mont-de-piété de Nancy en 1631, qui fut lié à La Tour dès cette époque. Georges de La Tour fut, en outre, témoin au mariage de son fils Basil Mus en 1645 et parrain de son petit-fils Georges Mus en 1646.

Sa veuve, Hélène de Grassis, qui lui succède dans cette charge fait banqueroute en 1645 et, selon les archives, s’enfuit avec ses biens en Flandres, séjournant à Lille puis à Bruxelles.  

Une partie des dettes ayant été contractée auprès du mont-de-piété de Bergues, le tableau a-t-il pu servir de contrepartie ?

Puis être vendu ensuite aux enchères par l’établissement de prêt ? Avant d’arriver, par des voies que nous ignorons, dans la collection des abbés de saint Winoc d’où il fut prélevé à la Révolution ?

Jean-Baptiste Descamps dans son Voyage pittoresque de la Flandre et du Brabant  relate l’existence dans cette abbaye, outre de grandes peintures religieuses, de tableaux de cabinet, majoritairement d’origine flamande et hollandaise, dispersés dans les différents appartements.

Cette hypothèse, aussi séduisante soit-elle, fera  l’objet de prochaines recherches.  

 

Ce n’est donc que le 3 février 1791 que le tableau est mentionné pour la première fois dans la ville de Bergues-Saint Winoc dans les États et Notices des monumens et peintures, sculpture et gravure provenant du mobilier de l’Abbaye de Saint-Winoc à Bergues.

Ce document est établi par Joseph Delorge, peintre et directeur de l’école de dessin de Bergues qui s’est vu confier la charge de ce dépôt artistique, à la demande des administrateurs du district de Bergues. Le tableau, portant le numéro 77, est mentionné ainsi :   « Un pauvre jouant de la vielle, orig[nal] de Carrache urbain, sur toile, hauteur : 5 pieds, 6 pouces, largeur : 3 pieds, 6 pouces. » Le tableau est alors conservé dans la bibliothèque de l’abbaye où l’ensemble des œuvres a été rassemblé.

Pour des raisons de conservation la totalité du dépôt est transféré, entre le 3 décembre 1792 et le 5 janvier 1793, dans l’ancien collège des Jésuites de la ville.

Une nouvelle liste dressée par Delorge en 1795, confirme les informations du premier inventaire mais précise : « 400 [livres] prix marchand, 1000 prix amateur. » En 1800, le tableau est déposé,  à l’instigation du sous-préfet Louis Schadet, en compagnie de 38 autres dans la sous-préfecture « pour ornement de la salle d’audience et pièces attenantes. ». La sous-préfecture est alors installée dans les locaux de l’Hôtel de Ville.

Dans la liste établie à l’occasion de ce transfert, le tableau est, sous le numéro 12,  décrit comme tel : « Aveugle jouant de la vielle, mené par son chien » et attribué à « Michel ange » [pour Caravage]. En 1816, le vielleur est cité sans attribution mais comme un original dans le Catalogue des tableaux existant d’ancienne date à l’hôtel de la Mairie de la ville de Bergues. Il porte le numéro 18 et est décrit comme « Un mendiant de grandeur naturelle, 1,95 par 1.30».


En 1842, 90 tableaux dont le Vielleur sont confiés à Fabien-Napoléon Léoni, peintre demeurant à Dunkerque, pour être restaurés. Le coût de sa restauration est de 250 francs, somme relativement importante, qui laisse supposer que le tableau était assez dégradé, il sera d’ailleurs doublé à cette occasion. Vers 1846, le tableau est exposé  dans une galerie consacrée à cet effet dans l’Hôtel de Ville. Une liste manuscrite, probablement réalisée par un des membres de la commission du musée, attribue le Vielleur à Zurbarán.

En 1871, il est transféré dans le nouvel Hôtel de Ville où une pièce est aménagée pour accueillir le musée. Dans le Catalogue des tableaux exposés dans la galerie du musée de Bergues réalisé par le peintre et restaurateur Pierre-Antoine Verlinde (1801 – 1877), le Mendiant jouant de la vielle porte le numéro 97 et est attribué désormais à José de Ribera. Il est décrit de la façon suivante : « Un vieillard aveugle, couvert de vêtement et d’un manteau en haillons, chante en s’accompagnant d’une vielle. Le chien qui le conduit par une corde est couché à ses pieds. »

 

Remarqué par le restaurateur Pierre Landry en 1925 qui le premier évoque à son propos le nom de Georges de La Tour, le tableau est retenu en février 1935  par Charles Sterling pour figurer comme une œuvre de l’atelier de Georges de La Tour à l’exposition des « Peintres de la réalité » qui a débuté au musée de l’Orangerie en novembre 1934. Nettoyé à cette occasion, le tableau reste à Paris afin d’être restauré complètement. L’opération dure quatorze mois et est effectuée gracieusement par Pierre Landry. A la fin de l’opération, en juin 1936, le tableau est exposé quelques temps dans la salle des nouvelles acquisitions du musée du Louvre. En 1958, le Vielleur au chien est placé aux côtés des originaux de La Tour par Michel Laclotte à l’occasion de l’exposition des Chefs d’œuvres du XVIIe siècle français dans les musées de province au Petit Palais à Paris. Depuis lors, il a été présenté dans toutes les grandes expositions consacré au peintre Lorrain.


Texte de Patrick Descamps – conservateur des collections du Musée du Mont-de-piété de Bergues

L’ensemble des indications données dans cet historique proviennent des archives du musée du mont-de-piété de Bergues.

Autres sources : http://chezarthur.over-blog.com/article-les-peintres-lorrains-86459606.html

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